Pour celles qui tiennent debout. Pour celles qui n’en peuvent plus.
Chaque Octobre, on vous demande de « combattre », d’être des guerrières, de sourire devant la caméra. Mais moi, assistante médicale en oncologie à l’Institut Curie, je vois l’envers du décor. Je vois la vérité qui se cache dans les dossiers, dans les regards baissés, dans les sourires, dans les merci.
C’est là que réside la vérité de la maladie : dans l’épuisement qui cloue au sol après la séance, dans la peur qui coupe le souffle, dans cette peau, parfois brûlée, parfois engourdie, qui ne se reconnaît plus sous la blouse.
Je ne vous propose pas un soin. Je propose un témoignage. Un pont entre la technicité de l’hôpital et l’intimité de votre foyer.
Ce rituel n’est pas là pour réparer ce que la chimiothérapie a emporté. Il n’est pas là pour embellir ce que la fatigue a terni. Il est là, simplement, pour tenir la main quand vous êtes seule. Pour dire, par la peau : « Je te vois. Je suis là. »
Du Protocole au Rituel : Ma double vue
À Curie, je gère les plannings, j’organise les vies, je suis le pivot administratif de l’urgence. Je suis face à la science, aux molécules, au temps compté.
Mais en rentrant, je pense à ces secondes volées dans l’interstice d’une porte, où je vois la vulnérabilité absolue. Je sais que la guérison ne passe pas seulement par le traitement ; elle passe par l’ancrage. Par la réconciliation avec le corps, même abîmé.
Ce rituel, c’est ma réponse personnelle au protocole implacable. C’est la trêve que je vous offre, loin du bip des machines et des sonneries de l’accueil.
Ces huiles qui murmurent la vérité
Vous ne choisissez pas des ingrédients. Vous choisissez une intention :
-
L’Huile de Sésame : Pour la chaleur. Pour réchauffer l’intérieur quand la solitude vous glace les os.
-
Le Macérât de Calendula : Pour la douceur. La seule chose que la peau irritée accepte encore. Le pardon du toucher.
-
L’Huile de Noyau d’Abricot : Enveloppante, discrète. Elle ne s’impose pas. Elle est là, comme un murmure, comme la voix douce que l’on voudrait entendre après l’annonce.
Et si le mental s’agite trop, on peut y glisser le calme d’une lavande vraie. Ou ne rien ajouter du tout. Car parfois, le silence est l’ingrédient le plus puissant.
Le geste qui rompt la solitude
On ne frotte pas. On ne masse pas. On ne veut pas stimuler, on veut apaiser.
On prend le temps de chauffer l’huile dans les mains. La température. Le contact. C’est la seule chose qui compte.
On la pose, lentement. Sur le ventre fermé. Sur les bras meurtris. Sur la nuque qui porte le poids de tout.
Ce geste n’est pas pour hydrater. Il est pour se retrouver sous les doigts, pour sentir son corps et lui donner l’autorisation de se plaindre. De crier. De pleurer.
Face au miroir, sans jugement
La maladie ne demande pas de crème miracle. Elle demande un témoin. Et le meilleur témoin, c’est soi-même.
Un toucher lent. Une huile tiède. Ce geste ne guérit rien, mais il dit : je suis la seule que je ne peux pas abandonner.
Ce rituel vous donne la permission de laisser la place à ce qui est là — la douleur, la colère, la peur. Et même l’indifférence.
Octobre Rose : Notre Manifeste
L’Octobre Rose dont j’ai besoin, ce n’est pas celui des slogans. C’est celui du soir. Du repli. C’est le geste que je n’ai pas le droit de faire derrière mon guichet, mais que je porte dans mon cœur.
Je veux l’ancrer dans le réel de ces femmes que j’accompagne chaque jour.
Dites-moi si, pour vous, ce silence huilé est le début d’une trêve.
Avec toute ma sincérité, Fabienne – Assistante Médicale, Institut Curie & Pipettes & Bien-Être